Tourisme

Le récif

Pour le plongeur sous-marin la frange littorale, principalement sur la côte est, offre la plus grande diversité de milieux et de faune dans quelques mètres d’eau. Les cayes sont de véritables jardins féériques où l’on ne se lasse pas d’admirer le foisonnement des madrépores et des coraux. Leurs squelettes calcaires, lentement façonnés au cours des années par les minuscules polypes auxquels ils servent d’abris et de supports, s’enchevêtrent savamment pour constituer des bouquets vivants dont la diversité de formes et de couleurs sont un émerveillement continu pour les yeux.


Aux branches délicates des touffes de corail de feu qui infligent à qui les cueille de cuisantes brûlures, se mêlent de blanches structures arrondies en forme de cerveaux aux circonvolutions finement ciselées, des nids d’abeilles et de fragiles dentelles de calcaire ou de fins tubules étoilés, les corolles des Fungi et les majestueux acropores qui étendent aux alentours du récif d’impénétrables forêts aux puissantes ramures à allures de bois de cerfs ou d’oreilles d’éléphants.

Parmi les coraux, les flexibles gorgones étalent leurs fines ramifications, éventails ou chandeliers de couleur qui ondulent au gré des courants. D’innombrables organismes encroûtants s’accrochent aux moindres aspérités, recouvrant les rochers, le corail mort ou même les rameaux vivants : cuticule blanche ou rosée des algues calcaires à l’aspect de sucre candi (Lithothamniées) éponges veloutées rouges ou jaunes, en tubercules, en plaques ou en forme de doigts.
Des vers annelés vivant dans des tubes calcaires étalent de place en place leurs panaches de branchies qui se rétractent à la moindre secousse et les anémones de mer offrent au spectateur des gerbes de fleurs ondulantes dans toutes les nuances de verts et de violets.

Les échinodermes sont nombreux sur le récif, étoiles de mer et ophiures aux bras agiles y abondent ainsi que les énormes «concombres de mer» (holoturies) qui se déplacent lentement sur le sable aux abords des cayes et entre les mattes de coraux. Les « chadrons » (oursins blancs du genre Tripneustes) y font l’objet d’une active récolte pour être consommés en blaff» ou en vue de la préparation des célèbres chadrons rôtis présentés aux amateurs de fruits de mer le long des pla?ges sous la forme d’un test d’oursin rempli des oeufs de plusieurs autres, grillés au feu de bois. Plus redoutables sont les oursins noirs du genre Diadema porteurs de très longs piquants acérés sans cesse en mouvement. Au plongeur imprudent ou téméraire, ils laissent un brûlant souvenir plusieurs jours durant. D’autres types d’oursins à la morphologie moins classique se rencontrent également en grand nombre aux Antilles. Certains, comme les «oursins crayons», (Cidarides) ne possèdent que quelques énormes piquants émoussés articulés sur de gros tubercules, d’autres recouverts d’innombrables petits spicules en velours sont fouisseurs comme les clypéastres et les scutelles au corps ovale ou en forme de coeur dont les plaquettes dessinent une fleur à cinq pétales. D’autres encore sont aplatis au point de ne mesurer que quelques millimètres d’épaisseur comme les « dollars des sables » (Melitta) au test perforé de cinq fentes.

Outre les poissons dont il sera plus amplement traité plus loin, les crustacés figurent parmi les principaux habitants des récifs dont les anfractuosités sont des abris sûrs contre les prédateurs. La famille des crabes marins compte aux Antilles de très nombreuses espèces dont nous ne citerons que les « tou’teaux » (Carpilius corallinus) d’aspect tout à fait comparable aux tourteaux européens et les « cyriques ». Le terme créole de cyrique désigne en général tous les représentants de la famille des portunidés, très agiles, munis de longues pinces et dont la carapace armée de fortes épines rend la capture délicate pour les néophytes. Selon les genres, qui sont nombreux (Callinectes, Portunus, Aranaeus etc.) les cyriques sont plus ou moins colorés, rayés ou « tiquetés » (tachetés).

Mais les crustacés les plus fameux des eaux antillaises sont incontestablement les langoustes. Il en existe cinq espèces différentes qui sont globalement nommées à tort « homards » en patois créole. On parle ainsi du « homard blanc » (Panulirus argus) du « homard bissié » (P. guttatus) ou encore du « homard d’indien » (P. laevicauda). Curieusement une petite langouste orange vif (Palinurellus gundlachi) seule espèce dont la morphologie soit assez éloignée de celle des langoustes typiques est désignée en Martinique sous le nom de « vraie langouste de métropole ». Le homard blanc et le homard bissié (encore appelé « brésilienne ») sont les plus abondantes ; la première a une préférence marquée pour les zones d’herbiers entourant les récifs alors que la seconde vit sur les petits fonds rocheux ou coral?liens où elle abonde parfois dans quelques mètres d’eau. En certaines zones du littoral la moindre anfractuosité sert de cachette à une ou plusieurs langoustes dont seuls émergent les longs ‘fouets antennaires. L’observateur attentif peut aussi déceler leur présence aux grincements aigus qu’elles émettent au moyen de leurs organes stridulateurs, situés à la base des antennes. Longtemps négligées par les pêcheurs antillais d’autrefois qui les écrasaient dans les nasses comme appâts, les langoustes sont très recherchées depuis le début de l’essor touristique des îles.

Proches parentes des langoustes, les cigales de mer ou scyllares sont moins abondantes et mieux camouflées et affectionnent les fonds sableux. On en compte trois espèces dont les deux plus grosses (Scyllarides aequinoctalis et Parribacus antarcticus) peuvent peser jusqu’à un kilogramme. Elles sont considérées à tort par les pêcheurs créoles comme les femelles des langoustes et nommées, sans distinction d’espèce, « maman homard ». On les nomme aussi « savates » en raison de leur forme aplatie, ou « ravets de mer » à cause de leur ressemblance avec les grosses blattes (ravets) ou encore, pour des motifs moins évidents, « Marie carogne ».
Il est impossible d’achever ce bref panorama du biotope marin des Antilles, aussi rapidement que nous voulions le brosser, en passant sous silence l’extraordinaire beauté et la grande abondance de la faune malacologique. Le choix d’exemples est difficile parmi les nombreuses espèces de coquillages vivant dans ces eaux, tant les formes et les couleurs sont diverses.
Dans la classe des gastéropodes la famille des strombidés, appelés « lambis » en créole est l’une des plus importantes. Le strombe géant (Strombus gigas) dont la coquille jaune à la large ouverture rose vif pèse fréquemment plus d’un kilogramme, est célèbre pour son pied consommé sous la forme de délicieuses brochettes. Jadis les indiens caraïbes taillaient des bijoux et des outils dans ces épaisses coquilles qui ne servent guère plus aujourd’hui que de lests ou de bordures de plates-bandes dans les jardins des pêcheurs antillais. Plus petits sont les strombes combattants (Strombus pugilis) au test vernissé d’un orange vif, les strombes grenouille (Strombus raninus) et les strombes coqs (Strombus gallus) aux digitations élancées.

Toutes ces espèces vivent en général à proximité immédiate des cayes, sur les herbiers environnants, tout comme les tritons (Charonia tritonis) à la spire pointue. Les casques (Cassis madagascarensis et C. tuberosa) préfèrent les fonds de sable sur lesquels on peut les observer, à demi enfouis, en train de dévorer des oursins dont ils sont très friands et qu’ils absorbent entièrement, y compris les épines. Mais on rencontre encore les olives et les porcelaines (cyprées) au brillant éclatant, les « collectionneurs » (Xenophora) qui se camouflent en agglutinant sur leur dos les débris d’autres coquilles ou des fragments de corail, les fuseaux qui affectionnent les zones vaseuses, les « Burgos » (Trochus pica) aux larges flammules noires qui s’aventurent jusque sur les rochers émergeant au bord des plages et bien d’autres encore.
Quant aux bivalves, dont la liste est aussi imposante, l’un des plus remarquables est le spondyle ou huître épineuse (Spondylus americanus) à la coquille ornée de rangées de longues épines acérées et de franges délicates et qui offre une infinie variété de formes et de couleurs, depuis le blanc le plus pur jusqu’au rouge écarlate en passant par tous les tons d’orange et de violet. Les spondyles vivent fixés par leur valve inférieure sur les coraux ou au pied des gorgones et leur coquille sert souvent de support à une variété d’éponge encroûtante d’un rouge vif. Enfin, le « soudon » (Lucina jamaicensis), petit bivalve fouisseur, mérite une mention spéciale non pour la beauté de sa coquille mais pour son abondance dans les « fonds blancs » sablonneux de certaines plages où il est récolté pour être vendu sur les marchés où l’on en fait grand cas.

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